(French) Ces sites qui ne devraient pas exister

published 2009-11-24 [ home ]

Regarder le top 10 d’Alexa peut faire peur quand on connait un peu ce qu’est Internet. Ce classement par trafic est assez représentatif de l’évolution du web ces quelques années. On y trouve évidemment beaucoup de moteurs de recherche : google.com (1er), yahoo.com (3e), live.com (5e), baidu.com (8e) et yahoo.jp (10e). msn.com, le portail de Microsoft, arrive en 9e position, pourquoi pas. Le problème, c’est les quatre autres. Prenons-les dans le désordre.

YouTube (4e) et Blogger (7e)

Deux services de Google, bizarrement. Tous deux vous permettent d’héberger du contenu, vidéo pour YouTube et principalement textuel pour Blogger. Ce contenu pourra ensuite être commenté par d’autres utilisateurs, c’est ce qu’on appelle Web 2.0. Qu’y a-t-il de mal à cela ? Pas grand-chose, en fait, si ce n’est la situation de quasi-monopole de ces plates-formes.

En offrant un service simple et gratuit, Google [1] s’est imposé sur ces secteurs. Or, même si Google n’est pas maléfique, il est bon de se rappeler que c’est une entreprise dont le business model repose sur deux choses : vous vendre de la publicité et apprendre des choses sur vous. Vous lui donnez une occasion en or de faire la deuxième en vous créant un compte personnel chez eux et en y hébergeant vos données, quant à la première il n’y a qu’à voir le principal changement sur YouTube pour l’utilisateur depuis le rachat [2].

Autre problème commun à tous les services gratuits gérés par de grosses boites : vous ne valez pas grand-chose pour eux, et ils ne feront rien pour vous aider, par exemple, à éviter la censure. Il suffit de voir le nombre de vidéos supprimées de YouTube sans raison valable, sur simple demande de gens qui ne sont souvent pas les ayant-droits. Certains se souviennent peut-être de la vidéo où Mme Albanel prouvait son incompétence en annonçant qu’OpenOffice incluait un pare-feu. Cette vidéo a été censurée à de multiples reprises bien qu’elle ait été filmée de manière officielle à l’Assemblée Nationale.

Ceci dit, ces problèmes sont mineurs, il suffit d’en être informé, et ces services ont une raison d’être sur Internet. Pour les deux qui suivent, c’est une autre histoire.

[1] OK, pour Youtube c’était déjà le cas avant que Google achète…

[2] Pour ceux qui ne l’utilisent pas, je parle de publicités sous forme de bandeaux qui s’affichent en superposition sur la vidéo.

Wikipedia (6e)

Wikipedia, l’un des plus gros succès du libre. Une source d’information à laquelle chacun peut contribuer s’il a les compétences nécessaires, accessible instantanément de tout point du monde. Une merveille !

Attendez, ça ne vous fait pas penser à quelque chose ça ? Ah si, le Web… Sauf que Wikipedia a un modèle centralisé alors que le Web est distribué. Sauf que sur Wikipedia ce sont les modérateurs qui détiennent le pouvoir de décider si une information est valable ou non, alors que sur le Web c’est à chacun de se faire son idée, même si l’opinion dominante se trouvera en premier dans les moteurs de recherche. Sauf que sur Wikipedia tout devra s’appuyer sur des sources “fiables”, comme par exemple des publications scientifiques (hum). Bref, Wikipedia, une formidable machine à imposer une pensée unique à des utilisateurs qui ne demandent pas mieux.

EDIT - Pour ceux qui ne s’en seraient pas rendu compte, j’exagère volontairement. Ne prenez pas tout pour argent comptant non plus, la diversité d’opinion existe bien sur Wikipedia dans une certaine mesure.

Facebook (2e)

J’ai gardé le meilleur pour la fin. Juste derrière le roi des moteurs de recherche, le sultan des réseaux sociaux. Facebook, la toile dans la toile, mais une toile encore une fois centralisée et où on ne communique qu’avec ses “amis”. Pratique, je peux dire des bêtises comme ça, personne ne le verra. Et si jamais un jour je ne les assume plus, j’efface.

Mouais. Vous faites vraiment une confiance absolue à tous vos contacts, vous ? Si c’est le cas, bravo. Sinon, une fois que vous aurez réalisé que tout ce que vous mettez sur Facebook est du numérique, donc de l’information copiable, vous vous rendrez compte que, quels que soient les réglages de votre compte, il vaudrait mieux considérer que tout ce que vous y postez est public.

Et puis même au-delà de ça, comment comprendre qu’un tel principe ait du succès ? Parce qu’après tout, soit vous n’ajoutez pas de contenu et vous ne faites que poster des liens vers des choses que vous avez trouvées en surfant sur le Web ou partager ceux des autres, et ça ressemble fortement aux chaînes d’emails que personne ou presque n’aime, soit vous mettez des choses nouvelles en ligne et c’est souvent égoïste parce que vous réservez (théoriquement) à vos pseudo-amis l’accès à de l’information qui n’est en général pas si privée que ça et qui aurait peut-être pu servir ou faire plaisir à d’autres. Regardez un peu en arrière, même les kikoolols de la génération Caramail préféraient en général les forums publics aux forums privés.

Le cœur du problème

Oui, parce qu’il faut bien le dire, il y a un problème. Et ce n’est pas que ces trucs-là existent, ils en ont le droit, c’est même un des fondements d’Internet : n’importe quel service a sa chance.

Non, le problème, c’est que bien que je voie tous leurs défauts gros comme des maisons, je les utilise ! J’ai un compte YouTube, un compte Facebook et ça m’arrive régulièrement de consulter des pages Wikipedia. Seule exception : ces quelques pages ne sont pas chez Google mais bien sur mon VPS, sous mon nom de domaine. Ouf.

La raison pour laquelle je les utilise, c’est que bien que conceptuellement et idéologiquement ils soient percés de partout, techniquement, ils vont de pas trop mauvais (Facebook, Wikipedia) à très bons (tout ce que fait Google). C’est un peu la différence avec Windows ou Internet Explorer, vous voyez : le fait qu’ils sont techniquement mauvais fait que leurs alternatives sont crédibles, pas vraiment la question éthique qui est derrière.

Conclusion

Conclusion ? Rien. Que voulez-vous que je dise de plus ? Voir que ces sites-là sont parmi les plus visités du monde me rend un peu triste mais ce n’est pas pour autant que je vais arrêter de les utiliser. Pas tout de suite en tout cas.

Peut-être qu’un jour j’aurai le temps de mettre en place un système simple pour héberger mes vidéos sur mon serveur. Peut-être que je me lasserai de Facebook (les gens que dont je voudrais avoir des nouvelles n’y postent plus trop de toute façon) et que je fermerai mon compte. Peut-être qu’on reverra des annuaires collaboratifs de liens vers des pages qui donnent des avis variés sur divers sujets, avec une structure d’arbre ou de graphe par thématique et un hébergement décentralisé, de la réplication spontanée, du Web quoi… Houlà, je m’envole ;)

En attendant le miracle, je profite de la qualité de ces services, comme tout le monde. Je ne suis pas assez fanatique pour les boycotter. J’essaie juste de me rappeler de temps en temps qu’on est bien loin de l’utopie du Web de 90.

La prochaine fois, je parlerai peut-être de Chrome OS, un sujet pas si éloigné finalement.